Le père Albert et le père Kim deux amis serviteurs de la Lumière.

Quand je pense au père Albert, je le vois tout d’abord dans la crypte de la cathédrale de Chartres, célébrant avec le père Kim la messe pour un de mes amis décédé quelques jours auparavant…

La chapelle était inondée par la lumière du jour transfigurée par les vitraux de Kim En Joong. A cette époque, le père Albert était déjà dans un autre monde, mais, tout à fait capable de concélébrer la messe avec l’assistance discrète et empreinte du respect touchant du père Kim ; le visage du père Albert rayonnait d’une joie douce et merveilleusement légère comme si elle avait des ailes et, de ses yeux, émanait une lumière absolument pure, comme libérée de toute pesanteur terrestre.

Je n’oublierai jamais l’image des deux amis, unis dans la louange du Seigneur qui semblait répondre à la lumière céleste.

Quelques années plus tard ; le père Kim qui, à cette époque, veillait toujours sur le père Albert, devait assister à une réunion à Berne ; ne voulant pas le laisser seul à Paris, il me pria, pendant son absence, de m’occuper de son ami…

Je les attendis à la gare ; en me présentant le père Albert, le père Kim me remit un missel et quelques minutes plus tard, je me trouvais seul et sans expérience spécifique avec une personne un peu en dehors du monde, apeurée, confondue et qui voulait absolument regagner le train ! J’essayais de parler avec lui mais une conversation s’avérait impossible. Je pensais qu’il avait besoin de se reposer après son long voyage…

Avec son consentement, je l’installais sur notre canapé et me dépêchais de préparer un simple déjeuner.

Après quelques minutes, j’entendis des pas… le père Albert avait déjà quitté la pièce et je le trouvais dans le salon de musique ; il me regardait comme de très loin et me disait simplement : «Je cherche des personnes… » Comme je n’arrivais pas à m’entretenir avec lui, j’ouvris le missel et commençais à lire : ce fut comme un miracle ! Le père Albert réagissait avec une joyeuse vivacité : il me faisait penser à un homme qui, après s’être perdu dans un vaste terrain inconnu, aurait soudain, retrouvé son chemin, sa demeure…

La porte pour une bonne conversation était ouverte. Après un certain temps, je lui demandais s’il connaissait le Salve Regina : il me répondit par la négative ; je chantais alors seulement la mélodie qu’il ne reconnut pas ; mais, quand je me mis à y ajouter les paroles, il m’accompagna immédiatement avec une voix affirmée et une sûreté dans le texte qu’il n’avait pas oublié alors que moi-même avais quelques problèmes !… Ce fut un moment sublime, en dehors du temps, comme un instant d’éternité.

L’image de Chartres me revint à l’esprit et je compris que le père Albert et le père Kim étaient des amis inséparables parce qu’ils étaient comme des brèches laissant pénétrer la lumière de Dieu, l’un par son art, l’autre par son savoir et sa merveilleuse simplicité d’esprit…

Werner Hauck